Les entreprises et salariés crient leur inquiétude
Sous la bannière NC ÉCO, les acteurs économiques ont convié la presse, ce 5 février, à un état des lieux, en présence de chefs d’entreprise et salariés touchés par les blocages miniers. Ils ont dressé un tableau très inquiétant de la situation, pas seulement pour Vale NC, ses sous-traitants et les 2600 salariés concernés, mais pour tous les Calédoniens. Car c’est tout le système qui risque bien de s’effondrer.
Les entrepreneurs voient de leurs yeux s’amorcer l’effondrement économique et social du pays, dans un sentiment d’indifférence générale : « ce silence lourd est insupportable », se désespère Samuel Hnepeune, porte-parole de NC ÉCO et président du Medef-NC. Comme l’a pointé Yann Lucien, président de la CPME-NC : « Nous ne sommes pas ici pour faire de la politique, mais pour faire des constats. Le constat, c’est que l’économie va s’effondrer : l’argent que l’on ne donne pas aux salariés ne va pas aller aux impôts ni dans nos commerces, et cette économie circulaire va s’arrêter. »
C’est à une prise de conscience collective qu’appellent les acteurs économiques, qui faute d’avoir été jusque-là entendus par les collectivités et l’État, souhaitent sensibiliser le grand public à la catastrophe annoncée.
Des conséquences à très court terme
Pour dire l’urgence, Barbara Vlaeminck, gérante de deux entreprises intervenant dans les domaines minier et métallurgique (40 salariés) et vice-présidente de la CCI en charge des mines et de l’énergie, a témoigné au nom des sous-traitants de Vale NC, qui connaissent tous la même situation. Une de ses entités subit l’arrêt d’un contrat de sous-traitance depuis trois mois. Conséquence : congés payés, chômage partiel et repositionnement de salariés, « seulement maintenant, on arrive à la fin de tout ce qu’on pouvait faire », déplore-t-elle. Parallèlement, « nos grands donneurs d’ordre passent beaucoup moins de commandes et l’instabilité actuelle n’incite pas aux investissements, donc le marché est rétréci, pour une population qui reste identique. A un moment, l’équation ne va plus fonctionner et on va passer par des licenciements, ce mois-ci, le prochain ou le mois d’après. »
Le risque : que le système complet s’effondre
Au-delà de ces conséquences à très court terme, la cheffe d’entreprise a rappelé le rôle essentiel joué par les entreprises comme ciment de la société calédonienne – « l’entreprise est un vrai lien social, entre tous les salariés, toutes les ethnies. Elle apporte les salaires de tout le monde, de la formation, de l’évolution à chacun, elle apporte aussi de l’assistance quand il y a des difficultés dans les familles ». La destruction des entreprises, c’est donc la mise en danger de l’équilibre social.
Autre point capital : « la valeur générée dans l’économie, c’est l’entreprise qui la crée. Si les entreprises ne peuvent plus créer de valeur, que se passe-t-il ? On ne peut plus payer la Cafat, on ne peut plus payer nos impôts et donc derrière, c’est le système complet qui s’effondre : la santé, la protection en cas de chômage, l’éducation, les infrastructures... On est à la limite de ça, il faut s’en rendre compte. »
Dernière alerte : « à détruire nos emplois, nous détruisons nos savoir-faire ». Autrement dit, les compétences vont être perdues et « pour effectuer les maintenances ultérieures sur les usines, les donneurs d’ordre feront venir la main-d’œuvre de l’étranger ».
L’impact sur les comptes sociaux
La Cafat est au cœur de notre système de protection sociale. Jean-Rémi Buraglio, son vice-président, a fait le point le 5 février sur deux régimes particulièrement critiques : le chômage et le RUAMM.
« Actuellement le chômage total est équilibré par rapport aux années précédentes, mais il est équilibré par ce qu’il y a le chômage partiel. » Ce chômage partiel est de deux types : le chômage partiel Covid, qui concerne les entreprises directement impactées par la fermeture des frontières, et celui lié aux blocages. « A fin février, sur les 5 milliards d’enveloppe pour financer le chômage Covid, il restera 500 à 600 millions (soit 1 à 2 mois maximum d’allocations). » Le chômage partiel « classique » auquel sont soumis les salariés impactés par les blocages des mines et des usines (soit 80 % du SMG), lui, « n’a pas d’avenir à plus de 2 ou 3 mois », alerte l’administrateur de la Cafat. Et de pointer les 1 500 dossiers traités par la DTE « qui demanderait environ 700 millions supplémentaires ». En résumé : « Ceux qui sont déjà au chômage, on ne pourra les payer que jusque mars ou avril et ceux qui n’y sont pas encore, on ne pourra pas les payer. Dans deux ou trois mois, plus personne ne sera payé par le régime chômage de la Cafat.
Concernant le RUAMM, « les dotations aux hôpitaux, les règlements aux professionnels de santé et aux adhérents par le remboursement des frais médicaux ne pourront plus être intégralement payés à partir de fin mars maximum. Après, il va falloir faire des choix. On espère ne pas être obligés de ne plus rembourser les frais médicaux des Calédoniens. »
Agir maintenant
Les forces vives rassemblées ont lancé un appel aux pouvoirs publics : « Agir maintenant pour éviter le cataclysme social et économique déjà enclenché et que certains négligent, voire même ignorent. » Pour appuyer ce message et sensibiliser l’opinion publique, NC ÉCO mobilise les médias et diffuse sur les réseaux sociaux des témoignages de salariés traduisant les conséquences concrètes de la situation dans leur vie de tous les jours. Dans la salle, beaucoup d’entrepreneurs désabusés ont plaidé, en leur nom, pour des actions beaucoup plus énergiques. Un seul vœu : « qu’on se fasse entendre et respecter », « c’est notre vie qui est en jeu, celle de nos enfants ».